30.11.04

‑ VII -

L'été vint, puis l'automne. Cynthia attendait un enfant. Pour la première fois depuis les jours, maintenant lointains, du drame qui avait bouleversé son existence, l'avenir redevenait pour elle synonyme d'espoir. J'étais moi‑même ému : j’espérais un fils et j'étais impatient de le connaître, d'autant que je commençais à éprouver, chaque fois que je me rendais à ma salle de cours et que je prenais place dans ma chaire, le sentiment de routine que doit donner, je suppose, l'exercice de toute profession. Je me réjouissais d'avoir bientôt l'occasion de former un es­prit qui me devrait tout.

Vous vous souvenez sans doute que cet hiver‑là fut si froid que certains y virent un signe, selon leurs croyances, soit du Dieu chrétien soit des Dieux hel­lènes. Le Bosphore et la Propontide gelèrent profondément et, quand la débâcle commença, il fut longtemps dangereux de passer d'une rive à l'autre : le détroit char­riait d'énormes blocs de glace qui descendaient du Pont‑Euxin et menaçaient d'éven­trer les bateaux. Ammonios, que je rencontrai cet hiver‑là, ne manqua pas de faire le rapprochement avec la comète apparue deux ans plus tôt. Les Dieux, selon lui, commençaient à se venger des impies. De même qu'autrefois les Chrétiens, du temps où ils étaient persécutés, priaient leur Dieu de détruire l'Empire, les Hellènes aujourd'hui, adressaient à leurs divinités la même prière : la haine du monde avait seulement changé de camp.

Synésios, quant à lui, se réjouissait sans réserve de la manière dont s'é­tait terminée la crise barbare. Il n'attendait plus que le retour des beaux jours et la réouverture de la mer pour rentrer chez lui. Il lui tardait même de partir car son séjour de trois ans, beaucoup plus long que prévu, l'avait ruiné : il avail été obligé d'emprunter soixante solidi à Proclos qui, toujours cupide, lui avait fait promettre par écrit de lui en rendre soixante‑dix. Je le revoyais chaque fois que j'allais à Constantinople et c'est par lui que je sus ce qui se passait entre le Palais impérial et l'évêque Jean Chrysostome. Jean était en effet en conflit de­puis plusieurs mois avec l'Impératrice à laquelle il reprochait sa cupidité, lors­que survint l'affaire des "Longs".

On désignait par ce mot quatre moines égyptiens, quatre frères, reconnais­sables à leur haute taille, et que le sinistre évêque d'Alexandrie, Théophile, a­vait condamnés, excommuniés et persécutés, en raison de leurs opinions « origénistes ».. Peut‑être ne savez‑vous pas que le philosophe chrétien Origène est suspect aux yeus des orthodoxes parce que sa pensée aurait été contaminée par le platonisme, peut-­être même (horreur suprème !) par la gnose. Origénistes ou pas, les "Longs", chassés d'E­gypte par Théophile, étaient venus chercher refuge à Constantinople où l'évêque Jean les avait pris ‑ prudemment d'ailleurs ‑ sous sa protection. Il avait même de­mandé à Théophile de les réintégrer dans son église, ce que l'autre avait fort mal pris. L’Impératrice, on ne sait trop pourquoi, bien que brouillée à mort avec Chry­sostome, avait pris parti pour les Longs; elle avait même persuadé son stupide é­poux de convoquer un synode d'évêques où Théophile serait sommé de venir s'expli­quer. C'est ce fameux synode qui eut lieu à Chalcédoine l'année suivante, mais qui se déroula tout autrement que prévu. Synésios, malgré sa sympathie grandissante pour les Chrétiens, se désintéressait de ces querelles :

‑ Je ne m'en étonne pas, lui disais‑je. Si tu penses pouvoir concilier les Evan­giles et les Oracles Chaldaïques,, le Christ et Plotin, les différences doctrinales entre les Origénistes et les orthodoxes doivent te paraître négligeables.

‑ Parfaitement négligeables.

‑ J'avoue que j'ai un peu de mal à te comprendre.

‑ Tu es bien partisan de ce que tu appelles la "tolérance", y compris entre Chré­tiens et Hellènes. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi cette tolérance ne pourrait pas régner aussi entre les Chrétiens eux‑mêmes. Après tout, ils ne sont pas obligés d'être d'accord sur tous les points du dogme.

‑ Toi, si un jour tu deviens chrétien pour de bon, tu finiras mal.

‑ Et pourquoi, s'il te plait ?

‑ Tu sais très bien que les évêques, s'ils n'aiment guère les Hellènes, détestent encore plus ceux qu'ils appellent les "hérétiques". Je te conseille de te méfier.

‑ Je te remercie de tes conseils, mais tu ne me parais pas le mieux placé pour m’en donner.

‑ Dans ce cas, n'en parlons plus.

Nos relations restaient bonnes malgré nos désaccords et les piques que nous nous lancions régulièrement. Synésios était sur le départ et naturellement je vins à Constantinople pour lui dire adieu le jour où il devait prendre la mer.

C'est au port Julien, exceptionnellement, et non sur la Corne d'Or, qu'il devait embarquer. Mon bateau était déjà au bord du quai quand j’ aperçus au loin sa silhouette sous le portique semi‑circulaire qui entoure la place. Il était suivi d’ esclaves chargés de ses bagages. Il y avait beaucoup de monde sur le port. Au moment où je sautais du bateau sur la terre ferme,, j'eus l'impression que le quai vacillait sous mes pieds au point que je dus battre l'air de mes mains pour ne pas m’effondrer sur les dalles. Sur la place, quelques personnes titubèrent et s'affa­lèrent, déséquilibrées. Derrière moi, d'énormes vagues se mirent à rouler, claquè­rent sur les bords du quai et retombèrent en gerbes : je sentis même des gouttes me mouiller le dos. Quelques instants passèrent : les gens qui étaient tombés se relevaient prudemment. J'étais si hébété que le mot "séïsme" ne se présenta même pas à mon esprit. J'entrepris de marcher dans la direction où j'avais aperçu Syné­sios, quand je vacillai de nouveau, mais plus fortement que la première fois. Der­rière moi, les vagues redoublaient de fureur. Un craquement se fit entendre et je vis clairement, sous mes yeux, une fissure d'un pouce s'ouvrir entre les dalles de la place et courir comme un long serpent jusqu'à la base du portique qui se fen­dit.Deux colonnes vacillèrent, provoquant l'écroulement d'un morceau d'architrave dont les pierres restèrent suspendues, se bloquant les unes les autres dans leur chute. Il y eut un mouvement de panique : les gens se mirent à courir dans tous les sens, et ceux qui étaient sous le portique sautèrent sur la place. Au loin, Synésios courait vers son bateau. Il fit un signe de la main à quelqu'un que je ne connaissais pas; j'ai su depuis, par toi, Pylémène, que c'était le tachygraphe du Palais à qui il avait promis le fameux tapis égyptien. Il sauta dans le bateau où les porteurs jetèrent les coffres. La mer était forte. Le navire s'éloigna au milieu des vagues quand Synésios m'aperçut. Il me fit de grands gestes des bras, Il y eut encore deux autres secousses : la seconde acheva de faire s'écrouler derrière moi les morceaux d'entablement en suspens. Il se produisit en cet endroit un é­boulement qui obstrua le portique. J'entendis quelqu'un crier mon nom etaccourir vers moi. Je me retournai : c'était A mmonios. Il jubilait :

‑ Les Dieux ! criait‑il. Les Dieux se vengent. La comète était bien un signe an­nonciateur. C'est la fin ! C'est la fin !

Je rentrai à Chalcédoine dès que la mer se fut calmée. Là‑bas aussi on avait ressenti le tremblement de terre, mais je ne vis aucune maison endommagée. Je me précipitai chez moi. Dès mon arrivée, j'entendis des vagissements et je trouvai une de nos voisines au chevet de Cynthia : la frayeur l'avait fait accoucher avec une ou deux semaines d’avance. C'était bien un fils. Cynthia le tenait dans ses bras, le regardait d'un sourire lumineux, émerveillé. Son premier sourire depuis six ans. Cet enfant la réconciliait avec la vie. Je tins, pour respecter l'antique tradition, à lui donner le nom de son grand‑père, le père de Cynthia, assassiné par les Goths : Alexandre. Dans les mois et les années qui suivirent, Cynthia s’attacha passionnément à cet enfant. Pour dire vrai, elle ne vécut plus que pour lui, et, vous le savez, elle ne put, quelques années plus tard, accepter de lui survivre.

Plusieurs mois passèrent. Au printemps de l'année suivante, une grande effervescence se produisit parmi les moines de Chalcédoine : cela me rappela mon enfance à Oxyrhynque, le jour où l'on apprit la mort de Valens. Un soir, je les vis converger vers le port. Ils y accueillirent un de leurs congénères constantinopolitains, vieillard à barbe blanche qui n'était autre que le chef des moines de la ca­pitale, Isaac. Ce fanatique, qui avait autrefois prédit sa mort à Valens avant la bataille d'Andrinople, dirigeait maintenant la fronde contre l'évêque Jean Chrysostome qui, dès son arrivée, avait entrepris de contrer l'esprit d'indépendance des moines et de mettre un terme à leurs excès de toutes sortes. Cyrin, l'évêque de Chalcédoine, était aussi un ennemi juré de Jean, mais il était alors rongé par la gangrène qui ne devait pas tarder à l'emporter. Isaac avait appris l'arrivée pro­chaine de l’évêque d'Alexandrie, Théophile, et il venait l'accueillir. Théophile venait participer au synode convoqué l'année précédente par l’Empereur. A l’origine, je vous l'ai dit, Théophile devait s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il persécutait les "Longs", qui avaient trouvé refuge auprès de Jean. Mais depuis, on ne parlait plus guère des Longs : deux d'entre eux, d'ailleurs, étaient morts. Par contre l’Impératrice était à nouveau brouillée avec Chrysostome qui, du haut de la chaire de la Grande Eglise, ne cessait de fustiger la "Jézabel du Palais".Maintenant Théophile, au lieu de se présenter en accusé au synode, arrivait en procureur : ostensiblement, il avait décidé de débarquer, non à Constantinople, la ville de son ennemi, mais à Chalcédoine, en face. Les moines avaient trouvé un prétexte contre Jean : au cours d'une récente tournée dans la province d'Asie, il avait déposé l'évêque d'Ephèse qui n'avait pas craint, dans sa juridiction, de ven­dre des évêchés à prix d'or ! Ceux qui les avaient acquis avouèrent qu'ils avaient voulu obtenir ainsi l'exemption des charges curiales attachée à la cléricature ! L'initiative de Jean, quoiqu'elle satisfît la morale, fut jugée illégale par Isaac et Théophile. De plus Jean avait nommé au siège d’Ephèse un de ses proches, ju­gé, lui aussi, "origéniste".. Second crime, pire encore que le premier !

Un jour, je vis de ma fenêtre débarquer Théophile entouré d'une pleiade d'évêques d'Egypte. Il portait autour du cou l’omophorian, insigne de sa dignité. I­saac et sa garde de moines étaient là, bien sûr, pour les acclamer. Malgré mon é­loignement, je reconnus le petit homme au profil de rapace que j'avais vu, douze ou treize ans plus tôt, présider à la destruction de la statue de Sérapis, au milieu des décombres de ce qui avait été le plus beau temple d’Egypte. Sa chevelure avait blanchi, ses traits étaient plus tendus, ses joues plus creusées, mais dans sesyeux brillait toujours la flamme froide du fanatisme. Lui et sa suite, après un court séjour à Chalcédoine, allèrent s'installer dans deux des plus beaux palais de Constantinople mis à leur disposition par l'impératrice Eudoxie et par son âme damnéé, la féroce Eugraphia, qui hébergeait déjà à ses frais les plus farouches ad­versaires de Chrysostome. Peut‑être avez‑vous entendu parler du domaine du Chêne, près de Chacédoine, où l'ancien Préfet du prétoire Rufin avait fait bâtir une sor­te de palais‑monastère pourvu d'une église et même d'un cloître, ensemble devenu depuis propriété impériale : c'est là que je vis un jour arriver une procession de moines et d’évêques, avec, à leur tête les accusateurs de Jean : Isaac et Théophile. L'évêque de Constantinople y fut déposé et excommunié en son absence, en toute charité évangélique !

La suite, sans doute la connaissez‑vous mieux que moi qui ne fus pas témoin direct des faits et ne les ai appris que par 1es récits que m'en ont faits ceux de mes élèves qui y assistèrent : le peuple de Constantinople rassemblé autour de la chaire de Jean, dans l'église de la Sagesse bloquée par les moines, la troupe qui pénètre dans l'église, l'évêque qui se livre pour arrêter les brutalités, puis qui part en exil, le peuple qui occupe l'église et se fait massacrer par la soldatesque, et puis, subitement, quelques jours plus tard, l'Impératrice qui change d'avis à la suite, dit‑on, de la mort d'un de ses enfants qu'elle prit pour un châtiment céleste, le rappel de Chrysostome, le peuple et l'armée qui s'acharnent contre les moines massacrés à leur tour dans l'église qu'ils avaient occupée, la fuite de Théophile sous les huées du peuple, et l'évêque Jean qui reprend ses fonctions sur l'ordre formel du Palais...

A l'automne, cette année‑là, je voulus absolument assister à la fête publi­que donnée en l'honneur de l’Impératrice pour l'inauguration de sa statue. C'est le Préfet de la Ville, Simplicius, un vrai courtisan, qui l’ avait fait dresser, au sommet de la colonne de porphyre qu'on voit encore aujourd'hui entre l'église de la Sagesse et celle de la Paix, à deux pas de l'Augusteon. La place était noire de monde. Au pied de l' estrade que dominait la statue d 'argent, au sommet de sa colon­ne, derrière les sièges de lafamille impériale et des dignitaires de la cour, se pressait la foule des spectateurs. Les flutistes, les citharèdes, les joueurs de cymba­les et de tambourins, accompagnaient les évolutions des mimes et des danseuses. Le spectacle représentait,, si j'ai bonne mémoire, les aventures de Galatée, reine de la mer, comme Eudoxie. Polyphème me parut grotesque à souhait et les Néréides à peine moins déshabillées que dans les intermèdes de l'hippodrome. Je songeais à l'é­tonnante vitalité des "fables" hellènes, moquées par tous les prêcheurs chrétiens mais toujours omniprésentes dans les leçons de nos maîtres d'école comme sur les scènes de nos théâtres, et applaudies même par la très chrétienne Eudoxie ! De la place où je me trouvais, j'apercevais, devant la façade du Sénat, la statue de Zeus et celle d'Athéna, la première venue du prestigieux temple de Dodone, la se­conde d'un sanctuaire de Rhodes : certes c'était à titre de simples oeuvres d'art décoratives que Constantin les avait placées là, mais tout de même, en regardant ce spectacle « hellénique » représenté à deux pas de ces statues des anciens Dieux, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il y avait là comme un hcmmage involontaire ren­du à nos ancêtres.

Entre les tableaux, dans le silence qui suivait les bruyants applaudisse­ments de la populace, on entendait, très assourdis, des chants religieux venus de l'église de la Sagesse toute proche où avait lieu un office. En entendant ces chants, qui sonnaient comme une condamnation, je sentis qu'un nouveau drame cou­vait. J’ entrai dans 1’église : l’évêque Jean monta en chaire. Il se mit à tonner, de sa voix magnifique, contre tous les spectacles sans distinction, mais surtout contre ceux qui, selon lui, étaient manifestement destinés à perturber l'office di­vin. Il tonna plus encore contre l’Impératrice qu’ il ne comparait plus à Jézabel mais à la diabolique Hérodiade, cette Juive perverse qui n'avait pas craint d'ex­hiber sa propre fille dans des danses lubriques pour obtenir d'Hérode la tête du bienheureux Jean, le Baptiste.

Ces allusions transparentes firent le tour de Constantinople dans les jours qui suivirent. Un nouveau synode condamna l'évêque pour avoir repris ses fonctions illégalement ! A Noël, la famille impériale s'abstint ostensiblement d'assister à la messe à la Grande église. A Pâques, tandis que Jean était consigné dans son palais, la troupe chassa brutalement, une nouvelle fois, ses partisans rassemblés dans l'église. Ils se réfugièrent au Zeuxippe d'où ils furent à nouveau délogés, avant d'aller se regrouper dans un ancien amphithéâtre situé à l'extérieur des murs Cette fois c'était une véritable émeute, peut‑être un début de révolution.

Moins de deux mois plus tard, un dimanche que les Chrétiens appellent la "Pentecôte" parce qu'il se place une cinquantaine de jours après Pâques, je vis de chez moi, à Chalcédoine, une énorme colonne de fumée qui s'élevait à l'emplace­ment de l'Augusteon. Sur le port, j'appris que Jean avait quitté la ville. Il avait trompé ses partisans en faisant amener sa mule à l'une des portes de la Grande é­glise, alors qu'il était sorti de l'autre côté pour se rendre aux soldats. On l'a­vait conduit jusqu'au Bosphore d'où il était parti pour un exil cette fois défini­tif. Sous l'effet de la colère, les « Johannites », comme on commençait à appeler ses partisans, avaient mis le feu à l'église, dans l'espoir, disait‑on, que les flamm­mes gagneraient le Palais sacré. Mais c'est dans le sens inverse que le vent les avaient poussées, de sorte que c'est le Sénat qui avait brûlé.

Je montai presque en courant du port jusqu'à l'Augusteon. Une foule de ba­dauds regardaient les ruines fumantes de l'église et du Sénat. Parmi eux, je ne fus que modérément étonné d'apercevoir les crânes tondus d'Ammnios et Helladios. Je m'approchai deux : naturellement, ils jubilaient et je les entendis prononcer les paroles auxquelles je mattendais :

‑ Tu vois, ricanait Annonios, ils commencent à détruire eux‑mêmes leurs propres édifices. Je te l'ai dit, le jour du tremblement de terre : c'est la fin.

‑ Malheureusement, répondis‑je, ils ne détruisent pas que leurs propres édifices Je crois savoir que le Sénat était un bâtiment magnifique, plein de fresques, de mosaïques et de statues magnifiques. Regardez ce qu'il en reste

‑ Oui, mais regarde mieux, dit Helladios d'un ton inspiré. Les statues du divin Zeus et de la divine Athéna sont intactes. Quand le plomb du toit a fondu, il a coulé partout autour du bâtiment. Il en est même tombé sur les statues. Eh bien, tu vois : elles ont été préservées.

C'était vrai. Au milieu des décombres qui jonchaient la place, les deux statues se dressaient toujours de chaque côté de la porte du Sénat. Elles avaient certes été noircies par l'incendie, couvertes de poussière lors de la chute des pierres et des gravats, abîmées par le plomb fondu. Elles n'étaient donc pas exactement "intactes". Mais il est vrai qu'elles étaient debout et entiè­res. Helladios y voyait la preuve, comme il devait me le dire plus tard, que, mal­gré les impiétés quotidiennes accumulées par les athées, les Dieux "étaient tou­jours disposés à exercer leur providence en faveur des Romains", de leur Empire et de leur capitale.

L'automne suivant, un an après l'inauguration solennelle de sa statue,, Eu­doxie mourut d'une fausse couche. L'évêque de Chalcédoine Cyrin mourut presque au même moment. Il va de soi que cette concomitance apparut aux Johannites comme un signe divin. Un soir enfin, au terme d'une journée anormalement chaude pour une ar­rière‑saison, un terrible orage éclata. Vous vous en souvenez : éclairs et tonnerre épouvantèrent les habitants de la capitale. Des grelons gros comme le poing s'abat­tirent sur la ville; des quantités de toits furent saccagés. Il y eut près d'un pied de grèle et d’ eau dans les rues et sur les places : ceux‑là mêmes qui n’ avaient pas assez de moqueries pour tourner en dérision l"'Assembleur des Nuées" de notre Homère, trouvèrent tout normal de voir dans cette calamité naturelle un châtiment du Dieu chrétien ! La rancoeur et la colère des Johannites, furent encore avivées par le contraste flagrant entre la répression dont ils étaient l'objet et l'indulgen­ce dont bénéficiaient leurs adversaires. Le Préfet de la Ville, Studius, ne fit‑il pas remettre en liberté un individu confondu pour avoir voulu assassiner Chrysos­tome ?

Ce dernier fut remplacé par Arsace, un frère de son prédécesseur Nectaire, qui, comme lui, aimait le luxe, mais qui aux yeux des autorités, avait surtout l'a­vantage d’être, comme disaient les Johannites, "muet comme un poisson". C'est à peu près à la même époque, si je me souviens bien, qu'Aurélien fut remplacé à la Préfecture du prétoire par Anthémios dont l'étoile ne devait plus cesser de monter.

*

Quant à moi, c'est à peu de temps de là que j'inaugurai la série de mes Discours publics qui sont, pour l'instant, les seules de mes oeuvres que j'aie pu­bliées. Je n'en avais, jusque là,, jamais prononcé, bien qu'il s'agisse pourtant d'un exercice presque obligatoire pour un professeur de rhétorique. Je ne voulais évidemment pas tomber dans "l'éloquence d'apparat",comme on dit, dans ces fades exercices de virtuosité que sont par exemple les traditionnels panégyriques. Je tenais à ce que ces oeuvres ne fussent pas seulement recommandables à des étudiants par leur perfection formelle, mais que nos contemporains pussent en tirer profit. Je repris pourtant le genre classique de l'éloge et pour parvenir à mes fins sans m’attirer les foudres du pouvoir, je ne vis pas d'autre solution, paradoxalement, que de faire l’éloge de la tradition. Mon premier Discours que je dus prononcer plusieurs fois, attira dans mon Temple de la Fortune, des auditoires auxquels je ne m'attendais pas. Tous mes a:mis, vous compris,. bien sûr, s'étaient employés à bat­tre le rappel. C’était, vous devez vous en souvenir, une sorte d’ éloge de la Tolé­rance. Je me gardais bien d'attaquer le fanatisme présent : je me contentais de célébrer le libéralisme d'un passé que, je le reconnais, j'idéalisais quelque peu. Conformément à l'habitude des orateurs hellènes, je ne citais à aucun moment le mot "Chrétiens" ou "Christianisme" : j'étais donc inattaquable !

Certes je convenais qu'Athènes avait commis un crime contre la philosophie en condamnant Socrate sous prétexte qu'il voulait introduire des Dieux nouveaux dans la cité, mais j'ajoutais immédiatement qu'elle s'était rachetée ensuite en devenant la véritable patrie de la philosophie et en entretenant dans ses murs les quatre grandes écoles rivales qui bénéficiaient de la protection de ses lois et de subventions publiques que les Empereurs romains devaient confirmer par la suite. Je rappelais l'ambassade envoyée à Rome par les Athéniensi au temps du vieux Ca­ton, et composée des représentants de trois de ces écoles : l'académicien Carnéade, le péripatéticien Philolaos et le stoicien Diogène. Ces trois maîtres avaient pro­fité de leur séjour pour faire connaître au Sénat et au Peuple romain les libres débats philosophiques des Grecs. Certes, ajoutais‑je, aucun disciple d'Epicure n'a­vait fait partie du voyage, mais sa doctrine n'en avait pas moins droit de cité à Rome puisque, peu de temps après, le poète Lucrèce allait la révéler aux Romains dans leur langue et je ne manquais pas de souligner que cet auteur avait pu, en toute impunité, se livrer dans son poème à des attaques contre la religion officielle de la République, attaques infiniment plus blasphématoires que les inoffensives plaisanteries d'un Aristophane qu'applaudissait le public grec.

Je mettais l'accent avec complaisance sur l'extrême libéralisme avec lequel les divinités étrangères avaient été accueillies par les cités grecques et par l'Etat romain, depuis la Mère des Dieux faisant une entrée triomphale à Rome sous la forme du bétyle sacré amené de Phrygie au temps de Publius Scipion Nasica, jusqu'au Dieu d'Emèse intronisé par l'Empereur Elagabal, en passant par la miséri­cordieuse Isis présidant, d'un bout à l'autre de l'Empire,, aux cérémonies d’ouverture de la mer.

Je citais longuement Thémistios de Constantinople conseillant et, disais­-je, obtenant l'impartialité religieuse de l’Empereur Jovien et souhaitant que tou­tes les religions rivalisent d'une noble ardeur, comme les Bleus et les Verts dans l'Hippodrome, pour la plus grande prospérité de lEmpire. Je concluais en citant en exemple le grand Constantin lui‑même, que je félicitais d'avoir orné sa capita­le des statues des Dieux des ancêtres et de s’être fait représenter en Apollon au sommet de la colonne qui orne son forum. Et dans une envolée finale, je rappelais que dans le socle de cette statue, il avait fait placer le Palladium sacré, ramené jadis par le pieux Enée de Troie à Rome, en me gardant évidemment bien d'ajouter qu'il y avait placé aussi les clous de la passion du Christ.

Ce discours, vous le savez, eut un grand retentissement. On en parla. On parla donc aussi de son auteur. Comme j’en prononçai, par la suite, plusieurs autres de la même veine, je ne me fis pas que des amis, en particulier chez Troïle, rhéteur comme moi, mais devenu, lui, un des plus proches conseillers d'Anthémios. Troïle est hellène et je sais que, sur le fond, il n'est pas très loin de partager mon point de vue, mais je pense qu'il n'a pas dû me pardonner d'avoir osé dire ce qu'il jugeait, lui, plus prudent de taire. Ainsi la notoriété que m'apportèrent mes Discours fut, d'entrée de jeu, plus dangereuse qu'avantageuse pour moi.

Comme les sophistes d'autrefois, j'aurais certes pu composer ma propre réfutation. J'aurais du moins pu faire à ma démonstration une objection majeure : dans mon éloge de la tolérance, je n'avais pas soufflé mot des persécutions qu'avait su­bies le Christianisme avant Constantin et qui, au moins en apparence, ruinaient ma thèse. Cette objection m'interpellait si fort que je pensai un moment en faire le sujet d'un dialogue entre un Hellène et un Chrétien. Ce que le premier aurait dit au second, je ne crois pas inutile de vous l'indiquer en quelques mots pour complè­ter ce qui précède.

Pourquoi les Chrétiens ont‑ils été persécutés ? Parce qu'ils refusaient d'adorer les Dieux de l'Empire ? Surement pas, aurait dit mon Hellène, puisque les Juifs, qui le refusaient eux aussi, en étaient dispensés. Parce qu'ils n'acceptaient pas de rendre un culte à l'Empereur divinisé ou à la Déesse Rome ? Les Juifs non plus n'accomplissaient pas ce rite d'intégration à la conmunauté romaine et n'en bé­néficiaient pas moins de la protection des lois. Alors ? La différence entre les Juifs et les Chrétiens, justifiant la différence entre la faveur dont avaient long­temps béficié les uns et les persécutions qu'avaient subies les autres, c'est Ar­chias qui me l'avait un jour expliquée à Alexandrie et l'Hellène de mon dialogue l'aurait évidemment reprise : les Juifs, même s'ils faisaient quelques prosélytes, ne prétendaient pas changer en Juifs tous les Romains. Leur religion restait la re­ligion d'Israël. Certes, ils considéraient, eux aussi, leur Dieu comme le seul "vrai Dieu", mais ils n'allaient pas jusqu'à vouloir proscrire et interdire les autres. Les plus intransigeants d'entre eux, en Judée surtout, se détournaient avec horreur de l'Hellénisme : ils n'allaient pas, comme les Chrétiens, jusqu'à exiger des Hel­lènes qu'ils s'en détournent également. Ils se contentaient de ne pas fréquenter les gymnases et les théâtres; ils n'entendaient pas les détruire. Les persécutions, aurait conclu mon personnage ont été l'a réponse intolérante de l'Empire à l'intolé­rance des Chrétiens.

Plusieurs années passèrent. Arcadios mourut et, comme son fils, Théodose le jeune, n'avait que six ans, Anthémios, le Préfet du prétoire, devint le véritable maître de l'Empire. Jean Chrysostome était mort en exil, et Atticos était devenu évê­que de la capitale : il avait été choisi de telle façon qu'on fût, cette. fois, à l'a­bri de toute surprise ; on le fut.

J'étais en correspondance régulière avec Archias d'Alexandrie qui s'occupait maintenant du commerce que lui avait transmis son père. Il exportait dans toute 1’Asie, et spécialement dans l'Inde. Il avait fait la connaissance d'Herculien, haut fonctionnaire de l'entourage du Préfet augustal et grand ami de Synésios, qui me connaissait puisque nous suivions au même moment les leçons de la Divine. Archias me reprocha de ne lui avoir jamais parlé d'Hypatie et, d'après ce qu'il m'en dit, je compris que Synésios n'avait pas été capable de garder le secret que je lui avais confié : il en avait, en tout cas, parlé à Herculien.

Archias avait également appris, toujours par la même source, que Synésios, dont je lui avais souvent parlé mais qu'il ne connaissait pas, était marié. A son retour de Constantinople, il avait passé près de deux ans à Alexandrie et avait, pa­raît‑il, beaucoup tourné dans l'entourage de l'évêque Théophile. Celui‑ci lui avait fait épouser une chrétienne, moyen de conversion devenu classique et banal, et a­vait lui‑même béni beur mariage. Selon Archias, Herculien s'en était offusqué. Pour ma part, je ne fus guère surpris : 1 ‘ « évolution » de Synésios se poursuivait, voilà tout...

J'étais également en correspondance avec le sénateur romain Publius Abellius Sura, maintenant réfugié dans une de ses nombreuses villas, en Campanie, depuis que les troubles continuels avaient rendu Rome inhabitable. Son fils Caïus, mon ancien élève, avait revêtu la préture, magistrature qui comportait l’obligation de donner des jeux publics pour lesquels Sura avait dépensé une fortune. Caïus était maintenant promis à une belle carrière. Sura m'entretenait longuement des malheurs de l’Occident livré à la fureur des Barbares. Il m'avait raconté les ravages accomplis en Italie par les hordes du sauvage Radagaise, puis par celles d'Alaric, hordes pour­chassées et finalement battues les unes après les autres par Stilicon. De cela Sura, qui haissait le Vandale, ne me disait mot. Par contre il me décrivait la Gaule "brû­lant comme une torche" après que les pillards d'Outre‑Rhin eussent, un an ou deux plus tôt, franchi le fleuve gelé, le dernier jour de décembre. C'est cette invasion, les horreurs et les désastres qui s'ensuivirent, et l'incapacité de Rome c'est‑à-­dire de Stilicon,. à y faire face, qui provoquèrent l'usurpation du gouverneur de la lointaine Bretagne, nommé Constantin : il débarqua sur le continent et fut, bien sûr, accueilli à bras ouverts par la population qui ne vit pas d'objection à ce qu'il proclamât un "Empire gaulois"... Peu après la mort d'Arcadios, je reçus de Sura une lettre dans laquelle il m'annonçait que Stilicon avait été massacré : Honorius, com­me son frère de Constantinople, avait cédé aux pressions du parti antigermanique. L'Occident à son tour cherchait à se débarrasser des Barbares. Naturellement Sura jubilait, comme j'avais vu jubiler Synésios. En vain essayais-je de lui expliquer que bien peu de généraux de l’Empire s'étaient montrés aussi fidèlement romains que le Vandale Stilicon. Peine perdue : la passion l'aveuglait. Après la disparition de celui qui avait été le Régent d'Occident et le beau‑père d'Honorius après avoir été le neveu de Théodose, ses partisans, me disait Sura, avaient été pourchassés, spo­liés,. souvent exécutés. Encore ne me parlait‑il pas du honteux massacre de sa femme Séréna et de son fils Eucher. Et Claudien ? Sura ne m'en donnait aucune nouvelle. Il avait été le chantre officiel de Stilicon : il a dû, me disais‑je, faire partie des victimes des règlements de compte. Mais il y avait déjà plusieurs années que je n'entendais plus parler de lui. A ma connaissance, il n'avait pas célébré les victoires de son héros sur Radagaise et Alaric. Qu'était‑il devenu ? Je ne l'ai jamais su depuis. Je le revoyais à Alexandrie, impatient de gagner la ville qui restait à ses yeux le centre du monde. Je l'entendais,, à la poupe de notre bateau, récitant Virgile en regardant s'éloigner Carthage... Que tout cela était loin maintenant !

*

Vous m'autoriserez à terminer mon récit en évoquant les malheurs qui se sont abattus sur moi l'an dernier. Un jour on me remit une lettre venue d'Egypte. En la déroulant, je pressentis le pire : effectivement mon frère m'apprenait la mort de mon père. Il était né sous l'Empereur Constance et avait une soixantaine d'années. J'éprouvai à cette nouvelle un sentiment de culpabilité : sans doute mon père m'a­vait‑il pris, non sans raison, pour un mauvais fils. C'est grâce à sa compréhension et à sa largeur de vue que j'avais pu quitter la Haute‑Egypte pour mener la vie que j'avais choisie mais à laquelle je n'étais, en principe, pas destiné. Après quoi, je ne m'étais plus guère soucié de lui, trop heureux de pouvoir compter sur la pré­sence à Oxyrhynque de mon frère ainé... Vis à vis de celui‑ci jéprouvais aussi quel­ques remords. Certes nous avions peu de points communs et, dès notre enfance, nous n’avions pas les mêmes centres d'intérêt et ne fréquentions pas les mêmes amis. Au­tant avouer franchement que nous éprouvions peu d'affection l'un pour l'autre. Mais je ne pouvais oublier que sans lui, je n'aurais pu envisager de quitter Oxyrhynque pour n'y plus revenir... Comito, me disait‑il, vivait toujours... Je me mis à re­penser aux ruelles pleines de moines, aux chemins sous les palmiers, au Nil boueux, aux falaises écrasées de soleil, et je fis, comme Marc‑Aurèle, la liste de tous ceux à qui je devais tout... Et puis la vie reprit son cours... J'oubliai.

C'est au début de l'hiver que mon fils Alexandre, âgé de six ans, tomba ma­lade. Cynthia, qui ne vivait plus que pour cet enfant, fut tout de suite épouvantée Ce qui la terrifiait, c'est que plusieurs enfants du voisinage, qui avaient eu les mêmes symptômes, étaient morts très vite. Elle m'en parlait à voix basse et les lar­mes aux yeux. L'enfant était brûlant de fièvre et avait d'épouvantables maux de tê­te. Chez les autres, me disait Cynthia la voix brisée, la nuque est devenue toute raide et la mort a ensuite été très rapide. Je fis venir le médecin Athénagore que j'avais rencontré chez toi, Zénon. Il prescrivit des remèdes qui firent baisser la fièvre mais ne guérirent pas le mal. Deux jours après, comme les symptômes qu'elle redoutait étaient apparus, Cynthia me dit en sanglotant qu'elle voulait tenter l'impossible. Je compris à demi‑mots et je me bornai à lui recommander la plus extrême discrétion.

Cynthia, sans m'en avoir jamais parlé, avait noué des relations dans Chalcé­doine. Un soir donc, au début de la nuit, elle fit entrer une femme d'un certain âge au regard étrangement absent, qui tenait à la main un panier sous le couvercle du­quel on entendait comme des battements d'ailes et des piaillements de volatile. El­le nous suivit dans la chambre où l'enfant, gonflé de fièvre, délirait à haute voix. La flamme tremblante de la lampe allongeait nos ombres sur les murs. La magicienne s’approcha d'Alexandre et exécuta sur sa tête des passes qui peu à peu parurent l'a­paiser. Elle accompagnait ses gestes de paroles prononcées dans une langue que je ne connaissais pas mais qui devait être un dialecte de Thrace ou de Phrygie. Je reconnus les noms de divinités barbares que j’avais inscrits un jour, à Canope, sur u­ne certaine lamelle de plomb... Cynthia fixait l'enfant avidement, secouée de petits soubresauts de tout le corps. Il respirait maintenant de façon rapide mais régulière et il avait cessé de délirer. La sorcière s'agenouilla sur le sol et ouvrit son panier : il contenait une colombe sur laquelle elle posa les mains. L'oiseau ne bougeait pas. Elle accomplit sur lui des passes toujours accompagnées de ses formules intraduisibles. La colombe s’endormit. La femme s’empara alors de la bête avec d’infinies précautions, puis, de l'autre main, saisissant dans un sac un couteau qu'ele avait apporté, ouvrit l’oiseau en deux d'un coup sec. Le sang gicla et dégoulina sur les briquettes du sol. Elle se releva et s'approcha du lit : elle tenait la bête ouverte dans ses mains et, prononçant maintenant à haute voix ses paroles incompré­hensibles, elle la déposa toute chaude encore sur la tête de l'enfant dont le visage ruissela de sang. Il paraissait moins oppressé. Sa respiration était redevenue régulière.

Le lendemain, Alexandre allait mieux et Cynthia qui, en une semaine, avait vieilli de dix ans, reprit espoir. L'enfant mourut deux jours après.

Je ne pris pas tout de suite la mesure du désespoir de la pauvre femme qui, grâce à cet enfant, avait réussi à surmonter un autre désespoir, vieux maintenant de treize ans. Elle ne pleurait plus, mais paraissait hébétée, s'enfermant dans un mutisme total, marchant comme une somnambule... Un soir d'hiver, en rentrant chez moi, je poussai un cri d'horreur en ouvrant la porte : Cynthia s'était pendue.


FIN DE L’AUTOBIOGRAPHIE D’EUMENE (1° partie)